Si, en principe, le prix de vente d’un bien est librement déterminé et accepté par les parties, en l’occurrence le vendeur et l’acheteur, la loi prévoit tout de même une limite afin de protéger les droits du vendeur contre un prix de vente sous évalué. Il peut donc mener une action en rescision pour lésion.
L’action en rescision pour lésion : qu’est ce que c’est ?
La lésion est un déséquilibre contractuel au moment de la formation du contrat. Pour faire simple, une des parties a été lésée lors de l’échange de l’objet du contrat. L’action en rescision pour lésion permet de revenir sur un contrat de vente, déjà signé, si une des parties s’estime lésée.
Par exemple, vous vendez un produit bien moins cher que sa valeur réelle. Votre acheteur obtient en échange un produit d’une valeur bien supérieure à ce qu’il a payé. La valeur de vente a été sous évaluée et le contrat est déséquilibré. Il y a donc lésion en raison du déséquilibre du prix.
Le recours juridique pour rescision en lésion a pour but de revenir sur les conditions d’un contrat déjà signé par une des parties. Elle pourra aboutir à redéfinir l’accord sur la chose, sur le prix, voire même entrainer l’annulation pure et simple du contrat signé.
L’action en rescision dans le cadre d’une vente immobilière ?
Comme vu précédemment, pour tout type de contrat, l’action en rescision peut être invoquée en cas de lésion dès lors que le vendeur s’estime lésé bien que le contrat ait déjà été signé.
Quand Est-ce qu’il y a lésion ? En cas de prix de vente nettement inférieur à la valeur réelle du bien, la vente d’un bien immobilier peut être qualifiée de lésionnaire. L’action en rescision pour lésion pourra être menée par le vendeur s’estimant lésé. Si l’action en justice aboutit, celui-ci pourra obtenir une indemnisation financière à titre de compensation. A contrario, si c’est l’acheteur qui pense être lésé, en ayant fait l’acquisition d’un bien immobilier qu’il estime trop cher, aucune action en justice ne pourra être entreprise par l’acheteur. Ce dernier devra donc être vigilant lors de son acquisition.
Cependant, pour pouvoir être menée par le vendeur, l’action en rescision dans le cadre d’une vente immobilière doit répondre à plusieurs conditions.
Tout d’abord, il est important de noter qu’un déséquilibre dans un contrat de vente ne veut pas forcément dire lésion. Le principe général du droit est simple : c’est à chaque partie contractante du contrat de s’assurer qu’il ne fait pas une mauvaise affaire. En effet, l’acheteur qui bénéfice de la « bonne affaire » n’a aucunement, en principe, à informer le vendeur de la véritable valeur de son bien. C’est l’importance du déséquilibre qui entraine la lésion et la possibilité pour le vendeur d’entreprendre une action en justice.
Afin de mener une action en justice, le vendeur doit respecter plusieurs conditions, notamment de prix et de délais, prévus par le code civil.
Concernant le prix, le droit règlemente l’importance du déséquilibre entre la valeur du bien et le prix. Pour obtenir réparation, le vendeur doit avoir été lésé de plus de 7/12 du prix du bien.
Concrètement, si un bien immobilier est estimé 300 000 euros mais que le contrat de vente a été signé pour un prix inférieur à 125 000 euros, le vendeur a été lésé. La différence entre l’estimation (300 000 euros) et le prix réel de transaction (125 000) est de 175 000 euros soit plus de 7 / 12 du prix d’estimation.
D’après l’article 1674 du Code Civil : « si le vendeur a été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix d’un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente, quand même il aurait expressément renoncé dans le contrat à la faculté de demander cette rescision, et qu’il aurait déclaré donné la plus-value ».
Toutefois, pour mener à bien une action en justice et obtenir réparation, le déséquilibre du prix n’est pas suffisant. D’autres conditions doivent être respecter.
Le délai de prescription de la lésion est de deux ans à partir de la vente du bien. Passé ce délai, aucune action en justice pour réparation du préjudice ne pourra être entreprise, quand bien même la condition du déséquilibre du prix était remplie.
L’article 1676 du Code Civil dispose que : « la demande n’est plus recevable après l’expiration de deux années, à compter du jour de la vente ».
Pour pouvoir prouver que la lésion a bien eu lieu, trois experts judiciaires devront rendre un rapport d’expertise et émettre un procès verbal commun. Ils sont nommés par la justice, sauf si acheteur et vendeur les choisissent en accord.
D’après l’article 1678 du Code Civil : « cette preuve ne pourra se faire que par un rapport de trois experts, qui seront tenus de dresser un seul procès verbal commun, et de ne former qu’un seul avis à la pluralité des voix ».
D’après l’article 1680 du Code Civil : « les trois experts seront nommés d’office, à moins que les parties ne soient accordés pour les nommer tous les trois conjointement ».
Une des difficultés majeures pour prouver qu’il y a bien eu lésion est que l’expertise doit avoir été réalisée sur la valeur réelle du bien à la date de vente et non pas à la date de l’action en rescision. L’estimation ne doit donc ne pas tenir compte des éventuelles hausses du marché arrivées après la signature de l’acte de vente. De plus, l’estimation doit tenir compte de l’état du bien à la date de vente et non à la date de l’action en justice. Là aussi, les éventuelles dégradations mais aussi améliorations doivent être exclues de l’estimation.
L’article 1675 du Code Civil dispose que : « pour savoir s’il y a lésion de plus de sept douzième, il faut estimer l’immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente. En cas de promesse de vente unilatérale, la lésion s’apprécie au jour de la réalisation ».
Quelles sont les conséquences de l’action en rescision pour lésion ?
Un vendeur s’estimant lésé peut intenter une action en justice. Celle ci pourra aboutir à une annulation pure et simple du contrat ou à une indemnisation du préjudice. Contrairement à l’action en nullité, l’action en rescision pour lésion n’entrainera pas forcément la nullité du contrat et ne remettra pas en cause dans ce cas, le droit de propriété du nouvel acquéreur.
Si l’annulation de la vente et donc la restitution du logement est une possibilité pour l’acquéreur, il peut aussi opter pour garder le bien immobilier à condition de verser une compensation financière au vendeur. Il devra donc dédommager le vendeur de la différence entre le prix réellement payé et la valeur estimée, moins un dixième du prix total.
L’article 1681 du Code Civil dispose que : « dans le cas où l’action en justice est admise, l’acquéreur a le choix ou de rendre la chose en retirant le prix qu’il en a payé, ou de garder le fonds en payant le supplément du juste prix, sous la déduction du dixième du prix total ».
Si la loi permet au vendeur de mener une action pour rescision pour lésion, dans les faits, il est compliqué d’obtenir gain de cause. Au delà du délai de prescription de seulement deux années, c’est surtout les conditions d’expertise qui feront foi.
D’ailleurs, la plupart des cas où sont menées des actions en justice de ce type, il s’agit de la revente du bien par le nouvel acquéreur. En effet, lors de la revente du bien, les notaires préviennent l’acheteur d’une possible action par l’ancien vendeur étant donné qu’ils sont informés de l’historique de toutes les anciennes transactions ayant déjà eu lieu.